« Transe » et les
dieux antiques de Sergio Briceño
Sergio Briceño Gonzalez est
né à Colima ou il œuvre à titre d’assistant directeur du journal hebdomadaire Diario de Colima. Il a reçu, en 2001, le
prix Salvador Diaz Miron et, en 1996 le prix de poésie Agustin Santacruz. Ses
poèmes figurent dans plusieurs revues et anthologies. Son recueil intitulé
TRANSE a été traduit par Françoise Roy et publié dans le cadre des coéditions
québéco-mexicaines ou méxico-québécoises des Écrits des Forges, cette fois, en
collaboration avec le Secrétariat de la culture de l’état de Colima.
Dans ce livre, la poésie de
Sergio Briceno Gonzalez nous apparaît d’abord comme celle d’une sorte de
Rabelais baroque puisqu’y tournoient plusieurs petits dieux antiques, réels ou
fictifs, des centaures, des satyres et autres chimères, mais il s’agit là de
divinités très paiennes, le poète nous en avertit : Certains dieux sont pervers et plus loin Ils ont construit leur temple / au beau milieu de ma tête. Alors,
ça fouine, ça grogne, ça se pitanche et ça fornique chez ces petits dieux-là ou
dans la tête de l’auteur : Et il
nous faut faire un effort surhumain / pour être plus humains.
Cet effort, Gonzalez le
porte dans son écriture, cherchant, souvent dans des poèmes longs aux vers
courts et au style énumératif, à trouver l’au-delà des choses, tentant
d’imaginer comment elles étaient ou comment elles pourraient être, car Le miroir ne dit pas la vérité, nous
confie-t-il. Dans sa démarche cependant, il constate de diverses façons le
mépris dont font l’objet ceux qui tâchent à leur corps défendant de
métamorphoser la réalité : On te
pointera du doigt (…) Comme on montre un idiot.
Cette poésie oscille entre
la formule lapidaire, presque sentencieuse ou proverbiale, du genre le silence fait du bruit et l’image
bizarre, ainsi On dirait que la lime et
le citron / sont en train de copuler. De cette façon, la
réalité ne demeure jamais
telle quelle, mais elle bascule toujours vers autre chose, comme la lune qui
devient marbre aérien et vient boire
un verre de vin. Alors la poésie est faite de Lignes de vérité / pour y accrocher des sensations / comme le boucher
accrochant / son quartier de bœuf.
Gonzalez aime bien décrire
le repoussant et le sordide, non pour s’y complaire, mais pour mieux le
condamner, que ce soit la malédiction
saumâtre, l’éclat d’insanité qui
brille dans ses yeux brûlés, l’air dégageant une puanteur d’ovulation et de
tropiques ou le fœtus encore tiède qui habite dans le
drain. Ce poète, à n’en point douter, se fait traqueur de l’horreur. On
pourrait certes cependant lui reprocher
de voir du repoussant même au cœur et au corps de la femme : Dieu a fait le corps de la femme semblable à
un dépôt, La femme appartient à tout le monde, la femme est atroce et, plus
loin
Elle
fume en puant les règles ou elle frotte
son fruit sur tous les coins et sur le mobilier. Son portrait féminin, fort
éloigné du féminisme, se contrebalance un peu par son admiration et par son
attirance dont sont témoins quelques passages comme l’émotion et le vertige / tiennent en elle / parce que c’est avec ça
qu’on l’a façonnée.
Le poète également ne craint
pas de se faire pourfendeur des excès des poètes et de la poésie, n’ayant
crainte de fustiger les poètes sans contenu qui ne veulent pas écrire ce qu’ils ressentent de peur de faire l’objet de
moqueries comme les poètes sans risques après
avoir bu une seule gorgée de Poésie / il a fait des ulcères sur la langue / le
rimailleur. Bien sûr, en contrepartie, Gonzalez y va de son credo : Pour un coup de hache asséné net sur la
raison, que chaque mot provoque des convulsions / un hérissement capillaire enfin
pour faire pousser des mandragores
dans les veines du
poète ou bien des arums contre le bleu très haut.
Bernard Pozier
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